Toute personne qui se trouve de nos jours sur la plus grande place de Paris, la place de la Concorde, est entourée d’un flux interminable de trafic dont le bruit assourdissant empêche toute réflexion sur son histoire. C’est seulement le soir, lorsque la lumière des candélabres plonge la place de la Concorde dans une douce atmosphère, que ce lieu avec son imposante obélisque et ses deux somptueuses fontaines, commence à raconter son passé.


Après la révolution de Juillet 1830 (les Trois Glorieuses), l’architecte Jacques Ignace Hittorff, originaire de Cologne, se voit proposer un contrat de réaménagement de la Place de la Concorde. Les travaux d’Hittorff sont placés d’emblée sous le signe de la décoration et de l’embellissement des lieux. Il était question à l’époque d’une nouvelle apparence à donner à un emplacement qu’Heinrich Heine, alors vivant à Paris, qualifiera plus tard de «place la plus moderne du monde, avec laquelle l’ère contemporaine a vraiment commencé, et qui a été retranchée de son passé par un couperet criminel». La description que fait Heine de la place qui se trouve entre l’avenue des Champs-Elysées et le jardin des Tuileries, trahit une pensée à la fois profondément historique et tragique, dont la structure n’est pas lisible au premier coup d’œil.


Déjà les différentes appellations montrent combien depuis la fin du XVIIIe siècle, la place de la Concorde se trouve être le point névralgique d’enjeux historiques. Elle est successivement nommée place Royale (1753), place Louis XV (1772), place de la Révolution (1792), place de la Concorde (1795), place Louis XVI (1824), puis de nouveau jusqu'à aujourd'hui place de la Concorde (1830), c’est-à-dire place de la conciliation. La statue équestre de Louis XV y fut détruite en tant que symbole de la tyrannie après la prise de la Bastille, dans l’agitation des jours révolutionnaires de 1792. Très peu de temps après mourut Louis XVI, précisément à cet endroit, sous « le couperet infamant » de la guillotine. Sous Napoléon Ier, la place resta non agencée. Ce ne sont que les Bourbons qui ont essayé de redonner son pouvoir symbolique à cette place, pendant la Restauration. Pourtant, elle ne se parera de son nouveau visage qu’après la révolution de Juillet 1830, sous le roi Louis-Philippe Ier.


Cet embellissement opéré par Hittorff culminant avec l’érection de l’Obélisque de Louxor et l’éclairage uniforme de la place, représente en soi un programme politique, cachant ainsi sous un masque de beauté intemporelle les événements historiques qui l’ont traversée.


L'exposition «Paris s’éveille !» reconstitue l'évolution complexe des plans utilisés pour la réalisation de la place de la Concorde à l’aide du fonds graphique riche et varié de Jacques Ignace Hittorff, lequel se trouve au Wallraf. Esthétique, politique de transport, urbanisme et innovations techniques permettent à la place de la Concorde de devenir un témoignage urbain de l’époque contemporaine, véritable point de départ dans une ère d'accélération culturelle et technologique. Dans les années 1830, Paris s’éveille et se transforme en capitale du XIXe siècle, d’après les idées de Jacques Ignace Hittorff, résolument l'un des premiers urbanistes modernes.